Écrivains visionnaires
Nous n'avions pas même songé à publier de la littérature. Notre catalogue témoigne d'autres préoccupations : rééditions critiques, essais métaphysiques, explorations numériques. Mais quand un visionnaire vous y contraint, bien obligé d'obtempérer.
Cela arrive. Notre porte a été forcée une fois déjà.
Il est venu avec un problème littéraire à résoudre, du genre qui révèle instantanément qu'on a affaire à quelqu'un qui travaille vraiment l'écriture, qui ne confond pas inspiration et déballage émotionnel. Les conversations se sont enchaînées — sur la double articulation des grandes œuvres ; sur la matrice du roman moderne français et sa putréfaction progressive ; sur l'état réel du lectorat, notamment ces jeunes lectrices françaises à qui l'on sert soit de la romance industrielle soit des textes académiques austères, comme si intelligence et émotion étaient incompatibles.
Son manuscrit prouvait le contraire. Une sismographie émotionnelle de l'époque, singulière et déconcertante. Quelqu'un qui ose articuler une réflexion anthropologique exigeante avec une véritable histoire d'amour. Qui écrit comme on construit : avec patience, proportion, et l'intuition juste des bonnes tensions.
Contrairement à nos autres lignes éditoriales — où nous sollicitons activement penseurs, éditeurs critiques et chercheurs —, nous n'avons pas de politique établie pour la fiction. Nous n'attendons rien et n'espérons pas grand-chose. Nous nous efforçons cependant de lire ce qu'on nous envoie et, dans les limites du temps disponible, de vous donner des rétroactions qui puissent vous être utiles.